4 questions à Yoni Couderc
Prénom et nom : Yoni Couderc
Statut actuel : Doctorant
Nom du laboratoire : Neurocentre Magendie
Tutelles du laboratoire : Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), université de Bordeaux
Domaine de recherche : Anxiété et émotions
Sujet de recherche actuel : Étude des circuits neuronaux du cortex insulaire dans les comportements anxieux chez le rongeur
Rencontre avec Yoni Couderc, doctorant au Neurocentre Magendie au sein de l’équipe circuits neuronaux de l’anxiété. Son sujet de thèse est la reconstruction des circuits neuronaux du cortex insulaire codant l’anxiété et la valence émotionnelle.
Qu’est-ce qui vous a amené à faire de la recherche ?
Ce n’était pas prévu à l’origine. Après avoir tenté le concours de première année de médecine, je me suis réorienté en deuxième année de licence Sciences de la vie à Sorbonne Université. Pendant mes deux années de licence j’ai pu personnaliser mon parcours, en choisissant notamment des enseignements complémentaires en neurosciences qui étaient très intéressants.
Par la suite j’ai découvert l’existence du master Biologie intégrative et physiologie de Sorbonne Université, un master recherche avec une spécialité en neurosciences dans lequel je me suis inscrit. Au cours de ce master, j’ai eu l’occasion de réaliser deux stages en laboratoire de recherche. Lors de mon premier stage, je me suis intéressé aux circuits neuronaux impliqués dans les comportements boulimiques. Puis en deuxième année de master j’ai travaillé sur la thématique du sommeil. Ces deux stages m’ont conforté dans mon choix de poursuivre en doctorat en neurosciences.
Aujourd’hui je suis en thèse au Neurocentre Magendie à Bordeaux. C’est mon intérêt pour les émotions et comment elles sont régulées par nos neurones qui m’a amené à trouver ce laboratoire.
Ce qui me plaît avant tout dans la recherche c’est de pouvoir travailler sur un sujet qui nous passionne. Ensuite il y a la flexibilité dont nous disposons puisque nous gérons totalement notre emploi du temps, ce qui est vraiment un luxe. Enfin, un autre aspect qui me plaît dans la recherche c’est de travailler en équipe. La science ne se fait jamais seul dans son coin. Elle se fait par le biais de partages, de discussions ou encore de collaborations.
Quel est le lien entre votre recherche actuelle et la thématique de l’Invisible ?
Ce qui pourrait relier mes recherches à la thématique de l’invisible, c’est le fait que je travaille sur le cerveau. Et au laboratoire nous sommes intéressés, en particulier, aux circuits neuronaux contrôlant l’anxiété chez la souris. C’est un pan de recherche qui a été initié il y a déjà plusieurs années. Mais il y a toujours une part d’invisible sur les mécanismes de régulation des neurones dans l’anxiété.
Au laboratoire nous essayons justement de décoder les mystères de ces mécanismes. Une des façons de le faire est d’enregistrer, grâce à une électrode, l’activité électrique des neurones en temps réel lorsque la souris se retrouve dans un environnement anxiogène (labyrinthe en croix surélevé). En effet, je peux voir de mes propres yeux l’activité électrique en temps réel des neurones en réponse à l’exploration d’un environnement anxiogène.
Grâce à notre travail, j’espère que nous arriverons à élucider cette part d’invisible en essayant de comprendre comment des réseaux de neurones régulent leur activité lorsque nous sommes anxieux.
Quel objet issu de votre quotidien représente pour vous le mieux le lien avec votre recherche ?
Même si le terme objet n’est pas le plus approprié, je dirais la souris parce qu’elle reste mon modèle du quotidien sans lequel je ne pourrais pas mener mon projet de recherche. Et nous utilisons les souris car elles se rapprochent énormément de l’Homme en terme de génétique, avec environ 99 % de gènes homologues, et en terme de comportement.
J’aimerais cependant rappeler que les expérimentations animales en recherche sont contrôlées et régulées éthiquement. Il existe en effet une charte nationale sur l’éthique de l’expérimentation animale. De plus, depuis 2013, les projets de recherche doivent être évalués par un comité afin de juger, entre autres, des atteintes portées au bien-être animal. Ces comités d’éthique en expérimentation animale (CEEA) sont composés à minima de cinq personnes et la médecine vétérinaire et la société civile sont nécessairement représentées.
Quels sont les résultats, découvertes ou recherches qui vous ont le plus marqué ?
Il y a une étude que j’ai trouvé intéressante. Ce sont des résultats qui ont été publiés en 2018 dans le journal Neuron. En fait, dans l’amygdale basolatérale (ou BLA, une région du cerveau fortement impliquée dans la régulation des émotions), les réponses neuronales à des indices récompensants ou aversifs diffèrent selon les cibles anatomiques vers lesquelles les neurones de la BLA projettent. C’est-à-dire que des neurones d’une même région du cerveau vont avoir deux activités différentes, en fonction du type de stimuli qu’ils reçoivent, qui vont conduire à des comportements différents. En effet, certains neurones s’activent uniquement en réponse à un signal récompensant (stimuli positif) et d’autres s’activeront seulement en réponse à un signal aversif (stimuli négatif).
Il y a une autre étude que j’ai trouvé passionnante. Elle a été publiée en avril 2022 dans le journal Neuron. C’est une étude qui a été réalisée dans le laboratoire de Nicolas Renier, à l’Institut du Cerveau à Paris. En fait, les auteurs ont découvert une sous-population de neurones peptidergiques [NDLR : neurones capables de sécréter des peptides], située dans le noyau Edinger-Westphal (dans le mésencéphale). Ces neurones, sensibles à la progestérone, sont nécessaires pour le début de la préparation du nid chez les femelles gestantes. En effet, la préparation du nid est un comportement essentiel pour la survie de la portée à venir et les hormones de grossesse modulent de nombreux comportements assurant la survie de cette portée.
Fanny Guisset
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