4 questions à Vincent Studer

© CNRS.

Prénom et nom : Vincent Studer

Statut actuel : Directeur de recherche CNRS et cofondateur d’Alvéole

Nom du laboratoire : Institut interdisciplinaire de neurosciences (IINS), équipe Organ-izing the cells mixte avec la société Alvéole

Tutelles du laboratoire : Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et université de Bordeaux

Domaine de recherche : Microtechnologies et microscopie pour la biologie

Sujet de recherche actuel : Expérimentation et développement de modèles in vitro standardisés de tissus cérébraux humains 

C’est autour d’un café latte, loin du va-et-vient des scientifiques de son laboratoire, que nous retrouvons Vincent Studer. Le bruit de fond des lève-tôt et la musique lounge créent une ambiance chaleureuse, propice à la discussion. 

Qu’est-ce qui vous a amené à faire de la recherche ?

C’est une question difficile car cela s’est fait de façon totalement linéaire. Je trouve que c’est un peu bateau de dire que quand j’étais gamin, je jouais avec un petit jeu de chimie, mon grand-père était chimiste, donc j’ai eu envie de faire de la chimie. En réalité je suis allé dans une école d’ingénieurs, j’ai choisi physique chimie, mais finalement j’ai préféré la physique à la chimie. Après j’ai fait un stage dans un laboratoire que j’ai trouvé intéressant car je suis plutôt curieux. J’avais l’impression que je serais heureux seulement dans un endroit où je pourrais satisfaire ma curiosité tous les jours. 

Quel est le lien entre votre recherche actuelle et la thématique de l’Invisible ?

Avec mon équipe de recherche, nous créons des environnements qui ressemblent à ceux des cellules du corps humain, l’objectif étant qu’elles puissent s’y développer. Les assemblages de cellules ainsi formés, appelés organoïdes, sont des modèles in vitro et permettent de ne pas travailler sur des animaux. Donc il y a le lien banal qui est de dire que je travaille à l’échelle microscopique sur des éléments invisibles à l’œil nu. Pour la petite anecdote, un artiste nous avait contacté il y a quelques années pour un projet qu’il faisait sur ce même thème. Il voulait faire des sculptures microscopiques que les gens ne pourraient pas voir. Alors nous avons fabriqué des objets 100 fois plus petits qu’un cheveu et ça a été exposé dans une foire contemporaine à Londres, c’était sympa.

Je trouve également que cette relation avec l’invisible se fait via la notion de réel et d’irréel. Nous assemblons des cellules, avec l’impression que c’est simplement un groupement cellulaire, mais nous recréons une fonction biologique. Avec l’environnement adéquat, nous pouvons par exemple faire « pousser des neurones » en utilisant des cellules souches capables de se différencier pour acquérir une spécificité. En se développant, elles s’organisent en une sorte de cerveau très simplifié.

Quel objet issu de votre quotidien représente pour vous le mieux le lien avec votre recherche ?

Dans plusieurs de mes recherches, j’utilise un objet qui ressemble à un vidéoprojecteur de cinéma. Mon équipe et moi-même exploitons le microprocesseur, ce qu’on appelle un DMD (Digital micromirror device), et qui projette la lumière. Nous l’utilisons surtout pour créer des environnements artificiels, pour faire pousser des cellules. Nous avons développé une méthode qui permet de polymériser la matière grâce à des motifs de lumière ultraviolette et en les projetant nous arrivons à recréer des formes. Très schématiquement, nous avons branché un projecteur sur un microscope pour faire de toutes petites projections et pouvoir ensuite fabriquer de minuscules objets avec. 

En réfléchissant, quand je me demande quelle est la seule cohérence dans mes travaux, c’est ce truc-là. C’est un objet important dans mes recherches car nous l’avons commercialisé et aujourd’hui il existe une entreprise, Alvéole, qui co-finance une partie de nos travaux. 

Quels sont les résultats, découvertes ou recherches qui vous ont le plus marqué ?

Avec le vidéoprojecteur dont je parlais, l’idée de départ était d’imprimer sur des surfaces des molécules présentes dans le cerveau, et de faire pousser des neurones dessus. Pour prouver que nous étions capables d’imprimer correctement ces molécules de façon fidèle, nous nous sommes amusés à reproduire un tableau de Botticelli. Nous avons utilisé 3 molécules fluorescentes différentes pour le recréer, mais le nôtre était bien plus petit (10 000 fois plus petit) et faisait environ le diamètre d’un cheveu. Réaliser cette expérience nous avait pris beaucoup de temps et le jour où nous avons réussi à voir l’image faite avec les protéines fluorescentes ce fut un grand moment !

Image de microscopie à fluorescence tricolore d’une reproduction à l’échelle micrométrique « couleur » de La Naissance de Vénus de Boticelli.
© Vincent Studer.

Éloïse Lutz

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