4 questions à Luigi Bellocchio

© Arnaud Rodriguez.

Prénom et nom : Luigi Bellocchio

Statut actuel : Chargé de recherche

Nom du laboratoire : Neurocentre Magendie

Tutelles du laboratoire : Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), Université de Bordeaux

Domaine de recherche : Endocannabinoïdes et neuroadaptation

Sujet de recherche actuel : Étude des fonctions et des effets des endocannabinoïdes, cannabinoïdes et dérivés sur le cerveau

Définition : L’appétit ou encore la digestion sont régulés par le système endocannabinoïde. Ce système complexe est constitué de récepteurs cannabinoïdes et des endocannabinoïdes qui sont les molécules qui se fixent sur les récepteurs.

Allons à la rencontre de Luigi Bellocchio, chercheur au Neurocentre Magendie, et découvrons ses recherches portant sur les fonctions et les effets du système endocannabinoïde sur le corps humain à travers quatre questions.

Qu’est-ce qui vous a amené à faire de la recherche ?

J’ai commencé en 2001 avec une licence en biotechnologies en Italie. Cette licence était très intéressante mais elle n’offrait pas beaucoup de débouchés professionnelles. En revanche, elle m’a très bien préparé aux métiers de la recherche. J’ai développé une passion pour la recherche. J’ai poursuivi avec un master, toujours en Italie. Ensuite, j’ai trouvé une offre de thèse en France, à Bordeaux plus précisément, à laquelle j’ai postulé et j’ai été embauché. À la suite de ça, j’ai trouvé un laboratoire, en Espagne, qui traitait un sujet que je trouvais intéressant : les effets du cannabis. Je suis donc allé faire mon post-doctorat pendant 4 ans là-bas. En 2017, j’ai postulé à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) pour passer le concours et obtenir une place en recherche. Je suis donc devenu chargé de recherche au Neurocentre Magendie, c’est le poste que j’occupe actuellement. Je me suis découvert une passion pour les thématiques de recherche autour des endocannabinoïdes. Ces molécules sont naturellement présentes avec leurs récepteurs dans notre cerveau. Leur présence n’est donc pas forcément liée à la consommation de drogues qui en contiennent. Et ce qui est intéressant, c’est que l’étude de ce système (molécule et récepteur de ces molécules) permet de comprendre beaucoup de mécanismes et fonctionnements dans le cerveau. Cela représente aussi un enjeu de santé publique. C’est un exemple qui démontre bien l’utilité que peut avoir la recherche dans le domaine médical.

Quel est le lien entre votre recherche actuelle et la thématique de l’Invisible ?

Le lien le plus évident est que j’étudie des processus qui se passent dans notre corps, qu’on ne voit pas. Mais nous les connaissons et nous savons qu’ils sont en train d’avoir lieu. Nous étudions le système endocannabinoïde à plusieurs échelles. On part de quelque chose d’invisible qui a lieu dans les mitochondries. Ces structures sont les centrales énergétiques du corps humain. Puis on étudie ce qu’il se passe au niveau des cellules, du cerveau et enfin des comportements. L’objectif est de mettre en lien les processus invisibles, qui se font dans notre corps, et les effets visibles des cannabinoïdes qui se traduisent par les comportements que nous connaissons.

Quel objet issu de votre quotidien représente pour vous le mieux le lien avec votre recherche ?

Pour moi, il y en a plusieurs qui réunissent deux passions, qui rythment mon quotidien et qui se recroisent aussi. Je parlerais d’abord de l’ordinateur parce que je l’utilise beaucoup. En recherche on passe beaucoup de temps dessus pour écrire des articles, répondre à des mails, étudier nos données. Donc c’est vraiment un indispensable dans la pratique de mon métier qui est une de mes passions. Et ma deuxième passion est la cuisine. J’ai travaillé dans le milieu de la cuisine pendant mes études. Je dirais donc que tous les outils de cuisine peuvent aussi représenter un lien avec ma recherche. Pour moi, bien que ces deux choses soient bien distinctes, elles ont quand même un point commun. Dans les deux cas il faut une certaine méthode pour suivre un protocole, une recette de cuisine du début à la fin. Ces recettes doivent permettre d’amener à un résultat qu’il soit scientifique ou culinaire. Dans un sens, les expériences que je suis amené à mettre en place dans mon activité de recherche peuvent s’apparenter à des recettes de cuisine avec le mélange de différents ingrédients. En tout cas, il est sûr que les objets de mon quotidien qui représentent ma recherche sont liés à mes passions. J’ai la chance de faire quelque chose qui m’enthousiasme et je pense que c’est indispensable pour faire de la recherche.

Quels sont les résultats, découvertes ou recherches qui vous ont le plus marqué ?

Je suis suffisamment fier et confiant à propos de mes résultats pour dire que ce sont mes études qui m’ont marqué. Elles ont permis de comprendre et de mettre en lumière un certain nombre de choses autour des phénomènes liés au fonctionnement des endocannabinoïdes mais aussi sur certains fonctionnements du cerveau. Par exemple, une étude que j’ai publiée récemment a permis d’établir un lien entre les cannabinoïdes et l’appétit. On s’est aperçu qu’à petite dose les cannabinoïdes stimulent l’appétit mais qu’à forte dose ils le coupent. C’est parce qu’il s’agit d’une question de balance. Deux neurotransmetteurs entrent en jeu et les cannabinoïdes permettent de gérer l’équilibre entre eux ce qui régule l’appétit. Ce qui est incroyable, c’est qu’un collègue allemand s’est aperçu que le même mécanisme se mettait en place dans le lien entre les cannabinoïdes et l’anxiété. À petite dose, les cannabinoïdes ont un effet relaxant mais à forte dose ils peuvent provoquer des crises de panique. Ces types de résultats sont importants car ils permettent à la fois de comprendre beaucoup de choses sur le cerveau mais aussi de développer nos connaissances pour développer des traitements thérapeutiques. Ces traitements peuvent être utiles dans le cas de maladies neurodégénératives ou encore d’épilepsies résistantes aux autres traitements. Pour revenir à la question, je dirais que la recherche en général a impacté ma vie du moins ma façon de voir la vie. En recherche on émet des hypothèses que l’on teste pour savoir si elles sont bonnes ou mauvaises. Dans le cas où elles seraient mauvaises, il faut pouvoir s’adapter et trouver d’autres voies qui nous permettent de trouver la bonne hypothèse. Dans la vie c’est un peu pareil, il faut savoir anticiper et prévoir plusieurs voies qui nous permettent d’avancer lorsqu’on s’est trompé.

Lucile Paulignan

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