4 questions à Julien Diaz

© Inria / Photo B. Fourrier.

Prénom et nom : Julien Diaz

Statut actuel : Directeur de recherche 

Équipe :  équipe projet Makutu du centre Inria de l’université de Bordeaux

Tutelles du laboratoire : Inria, université de Bordeaux, Université de Pau et des Pays de L’Adour 

Domaine de recherche : Mathématiques appliquées, simulation de la propagation des ondes

Sujet de recherche actuel : Les phénomènes sismo-électriques au sein du maillage

Julien Diaz, directeur de recherche au sein du centre Inria de l’université de Bordeaux hébergé par l’Université de Pau et des Pays de L’Adour, nous plonge dans son quotidien de chercheur. Il nous explique comment, à l’aide de l’envoi d’ondes et de logiciels informatiques, il parvient à comprendre comment est constitué notre sol. 

Qu’est-ce qui vous a amené à faire de la recherche ?

Avant d’entrer dans l’école d’ingénieur, je ne savais vraiment pas ce que je voulais faire. Durant ma dernière année à l’école d’ingénieur j’ai eu la possibilité de faire un double diplôme, à l’époque ça s’appelait un DEA (aujourd’hui équivalent d’un master). Je passais mon temps entre l’école d’ingénieur et l’université où je suivais des cours de master recherche. Mais ce qui m’a vraiment motivé, c’est le stage dans un institut de recherche. C’est vraiment le stage qui m’a permis de continuer en thèse. 

Réaliser ma thèse m’a réellement fait comprendre que je voulais devenir chercheur. J’ai compris que le métier de chercheur offrait plus de liberté que celui d’ingénieur pour une entreprise. 

La liberté, à l’école on ne s’en rend pas encore compte dans son importance. J’ai fait ma thèse en mathématiques appliquées à l’université de Paris VI dans un laboratoire de l’Inria. J’ai enchaîné par deux post-doctorats, un en entreprise (chez EDF) et un à l’université de Bâle en Suisse. Ces trois étapes m’ont vraiment fait comprendre que je voulais continuer la recherche dans un institut afin d’avoir cette liberté. 

Pour la petite anecdote : un jour, en école d’ingénieur, j’ai appelé un professeur de prépa. Il m’a dit « vous n’allez pas faire des mathématiques toute votre vie » et je lui ai répondu  « non surtout pas ». Et finalement, « je fais des maths toute ma vie ».

Quel est le lien entre votre recherche actuelle et la thématique de l’Invisible ?

Un lien simple est la volonté de connaître la composition du sous-sol, car on ne peut pas voir de quoi il est fait… En effet, depuis la surface, il nous est impossible de connaître cette composition. Mes travaux sur les ondes permettent de repérer les cavités souterraines et d’en connaître la composition. Ils ont longtemps été utilisés dans la recherche de pétrole, mais aujourd’hui on peut aussi l’utiliser pour des problématiques en géothermie ou en stockage de CO2. 

Pour cela, on regarde comment les ondes se propagent dans le sol, ceci permet d’avoir une idée de la composition des différentes couches du sous-sol. Ainsi, nous pouvons les rendre visibles sur l’ordinateur, un petit peu comme pour une échographie du corps humain. 

J’ai aussi travaillé sur la physique du phénomène du tremblement de terre. Les sismologues nous envoyaient les données récoltées sur le lieu d’un séisme et je m’occupais de rendre visible numériquement la propagation des ondes. Les représentations spatiales sur lesquelles s’étendent ce type de visualisation de propagation d’ondes vont de l’échelle locale de l’épicentre du séisme (endroit où il est le plus fort), jusqu’à la représentation de la Terre entière. Ce travail permet de mieux modéliser la structure interne de la Terre. 

Quel objet issu de votre quotidien représente pour vous le mieux le lien avec votre recherche ?

La première chose qui me vient à l’esprit, c’est l’ordinateur. Je l’utilise tous les jours et c’est là que nous faisons toutes nos simulations. L’écran nous permet de visualiser les résultats de la propagation des ondes. Ces ondes vont permettre d’afficher sur l’écran les différentes couches sédimentaires qu’elles vont rencontrer.

Quand j’ai commencé la recherche, je rentrais mes calculs dans mon ordinateur de bureau qui s’occupait de les résoudre. Certains calculs pouvaient prendre plusieurs jours avant d’arriver à un résultat. Aujourd’hui cela se fait sur des supercalculateurs (ordinateurs très puissants, très volumineux, permettant la résolution rapide et simultané d’un grand nombre de calculs, N.D.L.R). Le laboratoire dans lequel je travaille se trouve à Pau mais le super ordinateur réalisant mes calculs se trouve à Bordeaux. En effet, aujourd’hui la recherche est dans ce sens facilité car les données peuvent être envoyées et reçues sans être présent sur place grâce aux progrès technologiques et techniques.

Mon ordinateur de bureau, lui, est assez classique, mais il est tout de même plus puissant que les ordinateurs « communs » de bureautique. Dessus, j’utilise des logiciels de visualisation comme ParaView qui permet de voir les ondes qui se propagent dans l’espace.

Nous développons aussi nos propres logiciels, cela fait partie de notre travail de développer des logiciels de simulation d’ondes. Actuellement j’en mets un au point qui s’appelle Hou10ni, comme le magicien. Le caractère innovant d’Hou10ni, ce sont les méthodes numériques utilisées, mais surtout les phénomènes considérés, c’est l’un des seuls logiciels permettant de modéliser les phénomènes sismo-électriques. Le logiciel de visualisation ParaView permettra de voir les résultats d’Hou10ni.

Modélisation d'un tremblement de terre. Simulation sismique réalisée en collaboration avec Total. En arrière plan, Julien Diaz, chercheur au sein de l'équipe MAGIQUE-3D.
© Inria / Photo Kaksonen

Quels sont les résultats, découvertes ou recherches qui vous ont le plus marqué ?

Nous essayons de capter les champs électromagnétiques pour comprendre comment est composé le sous-sol. Pour cela, nous travaillons sur les milieux poreux (un solide avec plein de trous dedans contenant un fluide). Nous considérons que le fluide contenu dans ce milieu poreux peut être chargé électriquement. Un fluide avec des électrons dedans. Donc, en faisant vibrer ce milieu, le fluide vibre aussi et ce dernier peut alors créer un champ électromagnétique. C’est ce que l’on appelle le couplage sismo-électrique. 

C’est un nouveau modèle que l’on considère aujourd’hui. L’évolution des modèles que l’on considère m’impressionne toujours. 

Une autre recherche m’a beaucoup marquée. Mais d’abord petite mise en contexte : imaginons que vous tapez du poing sur une table, une onde de choc va alors être créée. Maintenant, si vous voulez voir comment l’onde se propage dans la table, ce que vous allez faire, c’est découper la table schématiquement en un quadrillage de petits cubes tous égaux. La table est découpée schématiquement en des milliers de cubes car l’ordinateur ne peut pas calculer une surface infinie, il a besoin que l’espace soit découpé. Ainsi, l’ordinateur va calculer et rendre visible l’onde se propageant sur la table d’un cube à l’autre dans le temps et l’espace. 

En ce moment, nous travaillons sur la réalisation de ce maillage (nom scientifique donné au fait de quadriller une surface) espace temps à trois dimensions. Ce nouveau maillage m’a fortement marqué.

Benoît Mieuzé

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