4 questions à Julie Picard

© Julie Picard.

Prénom et nom : Julie Picard

Statut actuel : Maîtresse de conférences

Nom du laboratoire : Unité Mixte de Recherche 5319 Passages

Tutelles du laboratoire : Centre national de la recherche scientifique (CNRS), École nationale supérieure d’architecture et de paysage (ENSAP), Université Bordeaux Montaigne, Université de Bordeaux

Domaine de recherche : Géographie

Sujet de recherche actuel : Le rôle de la mobilité dans l’acquisition de compétences religieuses et professionnelles chez les spécialistes religieux

Julie Picard explique avec un décalage horaire de onze heures depuis la Nouvelle-Calédonie son parcours scientifique. Spécialiste en géographie des migrations et du religieux, elle nous apporte un nouveau regard sur le monde.

Qu’est-ce qui vous a amenée à faire de la recherche ?

À la base, j’ai commencé mes études de géographie dans le but de passer les concours de l’enseignement puis, durant ma première année de master, pour mon premier terrain de recherche, j’ai eu la chance de partir à l’étranger, en Égypte, au Caire. J’ai adoré ce terrain car j’ai pu découvrir un territoire et une société avec un œil nouveau, celui du géographe sensibilisé aux approches ethnographiques, qui tente de rendre familier ce qui lui est étranger et inversement. La géographie m’a permis de changer mon regard sur le monde. J’ai pu aller à la découverte de l’autre, vers des gens et des quartiers vers lesquels je ne serais jamais allée en tant que touriste.

Découvrir ce pays, avec cette casquette-là m’a vraiment encouragée à renouveler l’expérience. C’est pourquoi j’ai continué mes recherches dans le cadre d’une thèse de doctorat portant sur les migrants chrétiens originaires du sud du Sahara et s’installant en Égypte. Je me suis surtout intéressée aux enjeux et aux rôles des croyances et des pratiques religieuses dans ces migrations.

Quel est le lien entre votre recherche actuelle et la thématique de l’Invisible ?

La première chose dont je peux parler est la partie invisible de la religion. Dans les entretiens semi-directifs que j’ai pu mener, le rapport au sacré s’est avéré très important pour les migrants. Je me suis demandée comment les croyances impactaient et guidaient les vies quotidiennes, car même s’il y a des objets et des lieux de culte physiques, matérialisés et visibles, une partie de ce rapport entre l’humain et le sacré, lui, reste invisible.

L’invisible dans mes travaux « apparaît » aussi dans l’étude de certaines pratiques religieuses chrétiennes qui sont cachées au Caire. En effet, l’exercice de la religion chrétienne demeure surveillé par les autorités égyptiennes et il arrive que des migrants chrétiens créent des « églises de maison », faute d’autres lieux disponibles, c’est-à-dire des lieux de culte aménagés de manière informelle dans des appartements ou des maisons, et qui sont donc invisibilisés.

L’invisible dans mes travaux relève donc à la fois des croyances, des représentations, de ce que les gens ont dans la tête mais aussi de lieux et de groupes invisibilisés, volontairement ou non. Même si on s’intéresse à un objet physique en sciences humaines et sociales, il y a toujours une part d’immatériel, qui n’est pas palpable, mais que nous nous devons d’interroger.

Quel objet issu de votre quotidien représente pour vous le mieux le lien avec votre recherche ?

On peut penser à la carte quand on parle du géographe, mais selon moi, elle vient en réalité dans un second temps, lorsque l’on met en forme et que l’on transmet nos résultats. Le premier objet auquel je pense, et j’en ai des cartons à la maison, ce sont des carnets de terrain ! On les lit, on les relit, on souligne, on surligne, on y colle des cartes de visites, des numéros de téléphone, on y dessine, on cite des extraits d’entretiens… Ils rassemblent des matériaux bruts qui sont au centre du travail de chercheur en géographie.

Je pense également à un deuxième outil : le téléphone portable. Les smartphones permettent aujourd’hui de produire des images, des sons et des vidéos, qui sont au cœur de nos analyses et qui viennent appuyer nos résultats. Ils permettent de garder une trace des lieux, des gens rencontrés, des paysages croisés et même de les géolocaliser pour ensuite retranscrire ces informations sur une carte.

Quels sont les résultats, découvertes ou recherches qui vous ont le plus marqué ?

En tant que géographe, j’ai mené des recherches sur des groupes minoritaires en Égypte, mais aussi à Toulouse et à Bordeaux. Ce qui m’a marqué c’est qu’entre ces lieux, en menant le même type d’approche et en conservant les mêmes hypothèses, on s’aperçoit que des similitudes sont perceptibles, que certains quartiers urbains sont plus concernés que d’autres et que la fonction d’accueil des étrangers de certains lieux perdure dans le temps long.

J’ai aussi été amenée à travailler en équipe, avec des chercheurs d’autres disciplines, autour d’axes de recherche communs. On remarque qu’au-delà des disciplines différentes, des religions différentes étudiées et des terrains différents explorés, des tendances similaires se dessinent au sein de nos résultats. C’est ce qui me marque dans la recherche comparative : retrouver des similitudes malgré les contextes différents étudiés. Cela permet sans aucun doute de mieux comprendre le monde et ses dynamiques de manière globale.

Hector Morelle

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