4 questions à Jean-Luc Morel

La gravité, phénomène invisible mais perceptible

© Arnaud Rodriguez.

Prénom et nom : Jean-Luc Morel

Statut actuel : Chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et chef d’équipe

Nom du laboratoire : Institut de neurosciences cognitives et intégratives d’Aquitaine (INCIA) – Bordeaux Neurocampus

Tutelles du laboratoire : Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et université de Bordeaux

Domaine de recherche : Dynamiques des réseaux neuronaux et non neuronaux dans les processus mnésiques

Sujet de recherche actuel : Les neurosciences appliquées à l’exploration spatiale

Jean-Luc Morel, chercheur à l’Institut de neurosciences cognitives et intégratives d’Aquitaine depuis plus de vingt ans, est spécialiste des neurosciences appliquées à l’exploration spatiale. Il s’intéresse à l’invisible dans son aspect le plus fondamental. Et si les modifications gravitaires impactaient la mémoire des cosmonautes ? C’est entre deux portes, au cours d’un appel téléphonique, que notre biologiste a bien voulu nous éclairer sur le sujet. Découvrez le portrait d’un amoureux des sciences en quête de réponse depuis son plus jeune âge.

Qu’est-ce qui vous a amené à faire de la recherche ?

Je me suis toujours posé plein de questions. La recherche est donc un moyen de trouver des réponses à ces interrogations. Tout au long de mon parcours universitaire, je me suis intéressé au fonctionnement du vivant dans son entier. C’est au cours de ma thèse sur les cellules musculaires lisses que j’ai découvert par hasard la biologie appliquée au spatial. Je souhaite désormais comprendre et modéliser ce qui se passe au niveau cérébral afin de savoir si les vols spatiaux risquent d’altérer la mémoire des astronautes. Différents paramètres modulent le fonctionnement de notre cerveau. Je cherche donc à savoir comment l’intégralité de notre système s’y adapte. Pour cela, nous faisons principalement de l’expérimentation animale sur des modèles de microgravité simulée. De nouveaux résultats de ces recherches seront d’ailleurs publiés dans quelques mois !

L’étude de la biologie dans l’espace est souvent considérée comme sans intérêt. Pourtant, les mécanismes étudiés soulèvent des questions fondamentales en termes de physiologie d’adaptation à un environnement extrême. Elles répondent d’ailleurs aux grands enjeux actuels que pose le réchauffement climatique.

Quel est le lien entre votre recherche actuelle et la thématique de l’Invisible ?

J’y vois un lien direct. Le vivant intègre en permanence la notion de gravité. Chez les vertébrés par exemple, l’organe vestibulaire, qui est un organe sensoriel situé dans l’oreille interne, nous permet d’avoir de l’équilibre. Il est donc sensible à la gravité et nous permet de savoir dans quelle position nous sommes. La gravité est invisible ; pourtant, nous la percevons en permanence. Si nous perturbons ce système, nous perturbons tout le reste.

Il s’agit toutefois d’un système qui s’adapte. En effet, les cosmonautes sont malades pendant quelques jours quand ils arrivent là-haut. Quand ils reviennent sur Terre, c’est la même chose ! Il faut donc quelques jours pour que notre organisme se crée un nouveau référentiel et prenne en compte tout ce qui se passe autour. De ce fait, si je vous envoie un ballon, vous le récupérez parce votre cerveau calcule et prédit la trajectoire du ballon avec la gravité. Si vous êtes dans l’espace, il faut qu’il réapprenne à prédire la trajectoire du ballon sans la gravité. Invisible mais détectable par notre corps, le phénomène de gravité est donc hyper fondamental et a finalement modelé le vivant.

Quel objet issu de votre quotidien représente pour vous le mieux le lien avec votre recherche ?

L’objet fétiche en lien avec mon domaine de recherche est le microscope. C’est un objet qui nous permet d’observer l’infiniment petit, qui n’est pas visible, tout comme un télescope nous permet d’observer l’infiniment grand. Le microscope est donc l’instrument que j’utilise au quotidien pour effectuer mes recherches. C’est vraiment à partir de cet outil que tout part. C’est un peu le fil rouge de ma carrière.

© Arnaud Rodriguez, Bordeaux Neurocampus.

Quels sont les résultats, découvertes ou recherches qui vous ont le plus marqué ?

Il s’agit principalement de rencontres humaines. D’une part, des rencontres entre collègues qui ont influencé ma carrière et qui m’amènent encore aujourd’hui à la réflexion. D’autre part, des rencontres grand public, notamment la rencontre avec des patients, qui, même si je ne travaille pas sur des pathologies, m’ont énormément appris d’un point de vue humain. Le patient est avant tout acteur de la recherche sur sa maladie. Il nous permet ainsi de créer de nouveaux domaines de recherche pour lui rendre service.

Quant aux élèves des collèges et lycées, ils sont extrêmement intéressants et savent se poser des questions importantes. Comme je leur dis souvent : « se poser une question, c’est le début de la recherche et aucune question n’est idiote ! » On dit pourtant que les jeunes ne s’intéressent pas assez aux sciences. Or, c’est aussi à nous de leur donner l’opportunité de s’y intéresser. La diffusion des savoirs scientifiques est quelque chose qui me tient à cœur. J’y ai d’ailleurs contribué en devenant ambassadeur Nouvelle-Aquitaine de la Fête de la science 2021, et en participant à la stratégie nationale de la culture scientifique, technique et industrielle. La science est importante mais le partage des connaissances aussi !

Maëlys Humeau

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