4 questions à Esther Marza

© FronzesLab.

Prénom et nom : Esther Marza

Statut actuel : Enseignante-chercheuse à l’université de Bordeaux, membre de l’équipe Structure et fonction des nanomachines bactériennes

Nom des laboratoires : Microbiologie Fondamentale Pathogénicité, IECB

Tutelles du laboratoire : Centre national de la recherche scientifique (CNRS), université de Bordeaux

Domaine de recherche : Microbiologie

Sujet de recherche actuel : Structure et fonctions des nano-machines bactériennes

Des poissons zèbres aux atomes qui composent les bactéries, il y a tout un monde. Et pourtant ces deux sujets ont au moins un point commun : Esther Marza. Cette chercheuse du laboratoire de Microbiologie Fondamentale et Pathogénicité est passionnée par l’infiniment petit. Revenons sur son parcours qui l’a amenée à travailler à l’Institut Européen de Chimie et de Biologie.

Qu’est-ce qui vous a amené à faire de la recherche ?

Je dirais que c’est un peu le hasard et la nécessité ! Je m’explique. Le hasard car c’est d’abord vers le monde de la santé que je me dirigeais. J’avais envie de devenir médecin pour Médecins Sans Frontières pour venir en aide aux autres. Mais j’ai échoué au concours de première année de médecine. Après cet échec, j’ai su rebondir en intégrant une licence de biochimie ici à Bordeaux.

Ensuite, la nécessité car j’avais envie de comprendre comment le monde fonctionne. Cette curiosité m’a petit à petit amenée vers l’infiniment petit afin de comprendre les rouages de la vie. J’ai d’abord travaillé sur les lipides des poissons-zèbres pendant ma thèse puis sur les nématodes en contrat post-doctoral. Je suis donc passée des poissons mesurant quelques centimètres aux vers microscopiques mais ma quête de l’infiniment petit ne s’est pas arrêtée là. En 2013, j’ai plongé vers l’échelle atomique en étudiant l’entrée des virus dans les cellules humaines à l’Institut Pasteur. Aujourd’hui en poste au laboratoire Microbiologie Fondamentale et Pathogénicité à Pessac, je travaille toujours sur les micro-organismes afin de saisir le fonctionnement de leurs machineries moléculaires, en parallèle de mon rôle de maître de conférences en microbiologie à l’université de Bordeaux. J’ai en moi cette envie de transmettre et c’est pour cela que je trouve fantastique que vous m’ayez contactée pour ce portrait !

Quel est le lien entre votre recherche actuelle et la thématique de l’Invisible ?

Avec mon équipe, nous travaillons sur les bactéries qui sont des micro-organismes invisibles à l’œil nu. Ce qui nous intéresse particulièrement chez ces bactéries est ce que l’on appelle les nano-machines. Ce sont des protéines assemblées entre elles qui forment de gros complexes protéiques à la manière de Lego®. Notre but est donc de décortiquer ces complexes afin de comprendre le rôle de chaque pièce et de voir comment elles interagissent entre elles. Les bactéries pouvant être des organismes pathogènes, nous cherchons aussi à mieux les comprendre pour éventuellement nous défendre contre elles. 

Quel objet issu de votre quotidien représente pour vous le mieux le lien avec votre recherche ?

Sans hésiter c’est le cryo-microscope électronique. Il fait 2 mètres de haut donc il ne me suit pas partout dans mon quotidien mais il joue un rôle central ici au laboratoire. De plus, la technologie qu’il emploie est relativement récente et les chercheurs à l’origine de sa découverte ont reçu le prix Nobel de chimie en 2017. La principale différence de cette technologie comparée à la microscopie électronique classique réside dans le fait que les échantillons sont figés dans de l’éthane liquide à – 180 °C. Ceci permet de piéger les molécules dans de la glace vitreuse, semblable à du verre, dans une orientation aléatoire. Les molécules piégées sont prises en photo par le cryo-microscope électronique. Les milliers d’images obtenues de la molécule dans de multiples orientations sont assemblées pour reconstruire l’architecture de la nano-machine moléculaire en trouvant la place de chaque atome qui la compose. De plus, à cette température, l’échantillon congelé reste en bon état plus longtemps car la microscopie électronique n’est pas de tout repos pour les échantillons. Ils sont d’abord mis sous vide puis bombardés par un faisceau d’électrons, autant dire que cela chauffe beaucoup ce qui endommage la matière observée !

Système de sécrétion de type 6
© Rémi Fronzes

Quels sont les résultats, découvertes ou recherches qui vous ont le plus marqué ?

Je vous ai expliqué tout à l’heure que je travaillais sur les nano-machines bactériennes, et bien le résultat qui m’a le plus marqué concerne un de ces complexes protéiques que nous avons décrits. Il s’appelle le système de sécrétion de type 6 et joue un rôle clé dans les infections bactériennes. Son fonctionnement rappelle en tout point celui d’une arbalète : une flèche au bout de laquelle une toxine est fixée est propulsée vers la cellule attaquée, comme un archer qui enverrait une flèche empoisonnée sur un ennemi !

Thomas Larrat

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