4 questions à Christine Grauby-Heywang

© Christine Grauby-Heywang.

Prénom et nom : Christine Grauby-Heywang

Statut actuel : Enseignant – chercheur

Nom du laboratoire : Laboratoire ondes et matière d’Aquitaine (LOMA)

Tutelles du laboratoire : Université de Bordeaux et Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

Domaine de recherche : Biophysique des membranes cellulaires

Sujet de recherche actuel : Étude du comportement de galactolipides des thylakoïdes (structures responsables de la photosynthèse) par le biais de modèles membranaires simplifiés

Christine Grauby-Heywang est professeure en physique à l’université de Bordeaux et mène ses activités de recherche au Laboratoire ondes et matière d’Aquitaine (LOMA), dans l’équipe « Matière Molle et Biophysique ». Travaillant à la frontière de plusieurs disciplines depuis plus de 20 ans, elle est l’exemple de la nécessité de la pluridisciplinarité en sciences.

 

Quelques mots de vocabulaire :        

         ● Biophysique : Application de diverses méthodes physiques à la caractérisation des propriétés de systèmes d’intérêt biologique pouvant aller de la molécule au tissu cellulaire.

          ● Lipide : Famille de molécules carbonées partageant différents critères comme une faible solubilité dans l’eau ou une nature amphiphile (une partie hydrophile, une partie hydrophobe). Certains lipides constituent la forme principale de stockage de l’énergie chez les êtres vivants, d’autres sont des vitamines ou des constituants essentiels des membranes cellulaires.

 

Qu’est-ce qui vous a amené à faire de la recherche ?

Au départ, je n’avais pas prévu de faire ça !

Jusqu’au lycée, je pensais intégrer une classe préparatoire pour passer le concours et aller dans une école vétérinaire. Mais au moment de choisir où poursuivre mes études et après des retours d’amis plus âgés sur ce parcours, j’ai finalement décidé d’aller à l’Université Paris – VI. Là-bas, j’ai intégré une licence de biologie. En deuxième année, j’ai choisi de suivre un cursus de biophysique. Ça m’a passionnée. J’ai ensuite continué avec un Diplôme d’études approfondies (DEA) dans cette discipline [NDLR : Le DEA est l’équivalent d’un master aujourd’hui].

Pendant ces cinq années d’études, il y avait des stages obligatoires et j’ai aussi eu l’opportunité d’en faire en plus. Ils ont eu lieu dans des laboratoires de recherche et c’est comme ça que j’ai découvert le métier de chercheuse. J’ai trouvé ça super, parce que même à mon petit niveau et même si je ne trouve pas des choses extraordinaires, le fait de faire des manipulations, d’extraire des résultats, d’en discuter avec des collègues… C’était un exercice vraiment intéressant. Ça m’a totalement immergée dans le quotidien de la recherche. Finalement, c’est le fait d’avoir mon propre sujet, de faire des stages d’au moins plusieurs semaines, d’être vraiment intégrée dans les équipes et d’avoir des responsabilités durant ces stages qui m’a fait adorer le métier de chercheuse.

On peut dire que j’ai attrapé le virus de la recherche !

Quel est le lien entre votre recherche actuelle et la thématique de l’Invisible ?

Mon domaine de recherche principal est la biophysique membranaire.

Dans mes recherches, je m’intéresse à une partie de la cellule, la membrane, qui délimite l’intérieur de l’extérieur de cette dernière. Elle a une épaisseur d’environ 10 nanomètres [NDLR : 1 nm est 100 000 fois plus petit que le diamètre d’un cheveu], c’est donc invisible à l’œil nu.

Dans mon équipe, la membrane nous intéresse de deux manières différentes. D’abord, avec des modèles simplifiés. Une membrane est très riche en lipides et organisée en deux couches. Nous, nous étudions un seul lipide à la fois (ou un mélange simple) pour mieux en comprendre le comportement et en l’organisant sous la forme d’une seule couche (une « demie-membrane »). Pour faire ça, on utilise une cuve remplie d’eau et on dépose les lipides à la surface de l’eau. Ils sont ensuite organisés en rapprochant les parois de la cuve pour constituer ce qu’on appelle une « monocouche ». En parallèle, notre intérêt se porte sur de « vraies » membranes bactériennes.

Ces deux systèmes, membranes modèles et bactériennes, sont étudiés avec une technique particulière : la microscopie de force atomique. Une pointe d’épaisseur nanométrique est « baladée » à la surface de l’échantillon. À partir des mouvements de la pointe, il est possible de remonter à la morphologie de l’échantillon et à ses propriétés mécaniques.

Quel objet issu de votre quotidien représente pour vous le mieux le lien avec votre recherche ?

Je pourrais citer le microscope en entier puisqu’il m’est nécessaire pour certaines de mes observations.

Mais il y a un objet que j’utilise beaucoup quand je prépare mes modèles simplifiés de membranes à la surface de l’eau, c’est ce qu’on appelle une seringue Hamilton. Cette seringue est un outil de mesure très précis. Elle me permet de faire des gouttes d’un volume de l’ordre d’un microlitre [NDLR : un grain de sable a un volume de l’ordre de 0,2 à 1 microlitre] et c’est vraiment l’outil sans lequel je ne pourrais pas faire grand-chose, c’est le point de départ de l’expérience avec ma cuve. Si je n’ai pas ma cuve et ma seringue Hamilton, je ne démarre pas ma journée !

Quels sont les résultats, découvertes ou recherches qui vous ont le plus marqué ?

Je dirais que ce sont d’abord les résultats que j’ai obtenus lors de ma thèse. J’étudiais l’interaction d’antibiotiques utilisés en chimiothérapie avec des modèles simplifiés de membranes. Avec eux, j’ai pu écrire mon premier article. Au départ, ma directrice de thèse devait le rédiger et finalement mon directeur de laboratoire a insisté pour que je le fasse moi-même. Je me souviens encore de la fierté que j’ai ressentie lorsque l’article a été publié.

Même si les résultats qui y figurent ne sont pas extraordinaires, un autre article qui m’a marqué est celui que j’ai rédigé au cours de mon stage postdoctoral en Allemagne. La situation était très différente de la thèse. J’étais toute seule à gérer cette recherche du début à la fin : les manipulations, l’analyse des résultats, la rédaction de l’article… J’ai vraiment dû tout m’approprier. Partir dans ce laboratoire était peut-être un peu inconscient parce que je n’avais pas de lien avec lui au départ, mais finalement ça a bien marché et j’ai passé un an là-bas. Pour moi, ça a été très formateur.

Je retiens surtout qu’il ne faut pas avoir peur d’y aller, il faut sortir de sa zone de confort !

Lætitia Colonna Ceccaldi

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