4 questions à Anne-Laure Daniau
Prénom et nom : Anne-Laure Daniau
Statut actuel : Chargée de recherche CNRS
Nom du laboratoire : EPOC (Environnements et paléoenvironnements
océaniques et continentaux)
Tutelles du laboratoire : université de Bordeaux, Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Institut national polytechnique (INP) Bordeaux, École pratique des hautes études (EPHE)
Domaine de recherche : Paléoclimatologie
Sujet de recherche actuel : Étude des activités passées de feux reconstruites à partir de l’étude de charbons microscopiques contenus dans des sédiments marins
Anne-Laure Daniau, chargée de recherche du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) au laboratoire Environnements et paléoenvironnements océaniques et continentaux (EPOC) à Bordeaux, revient sur son parcours et sur ses recherches. Son parcours « plein de petits détours » l’a amené à travailler sur les paléoenvironnements. À l’aide de particules de charbon microscopiques retrouvées dans des sédiments marins, elle reconstruit les activités de feu passées.
Qu’est-ce qui vous a amené à faire de la recherche ?
J’ai grandi en Charente, pas très loin du site archéologique de la Quina. C’était mon premier contact avec la préhistoire. J’ai par la suite rencontré une professeure de SVT fantastique qui m’a fait découvrir la biologie et la géologie. Je savais déjà que j’avais envie de faire de la recherche, elle m’a alors donné un contact, qui m’a dit qu’il fallait faire une thèse. J’ai alors rejoint l’université de Poitiers pour faire un Deug (Diplôme d’études universitaires générales, niveau bac +2) puis une Licence, avec des spécialités en paléontologie et géologie. J’ai découvert que j’avais envie de travailler sur les paléoenvironnements liés à la préhistoire. En regardant ce qui se faisait en France dans ce domaine, j’ai pu faire une maîtrise et un DEA (Diplôme d’études approfondies, niveau bac +5) à Bordeaux ! Durant un stage en Erasmus en Angleterre au cours de ma maîtrise, j’ai appris qu’une enseignante-chercheuse de Bordeaux, Maria Fernanda Sanchez Goñi, travaillait sur ce thème à partir de carottes marines. Elle m’a proposé un sujet de stage de DEA, puis nous avons construit mon sujet de thèse. Ma première année de thèse n’était pas financée, j’ai travaillé à Cap Sciences à côté. Ça n’a pas été une année très productive pour ma thèse, j’arrivais toujours très tard au laboratoire. Mais j’ai pu avoir une bourse de recherche à partir de la deuxième année ! C’est avec cette thèse que je me suis spécialisée sur mon sujet de recherche. Même si mon parcours a l’air assez direct quand on regarde mon CV, ce sont en fait plein de petits détours qui m’ont amenée ici aujourd’hui.
Quel est le lien entre votre recherche actuelle et la thématique de l’Invisible ?
Je regarde des particules carbonisées microscopiques dans des sédiments marins. Sans microscope, je ne pourrais pas les voir. C’est le lien le plus simple ! Ensuite, quand on entend parler d’incendies aujourd’hui par les journaux, on a un peu l’impression qu’ils apparaissent de manière aléatoire. Les recherches que j’ai menées ont montré que ce n’était pas forcément le cas sur des échelles de temps de plusieurs milliers d’années et qu’ils étaient régulés principalement par des conditions climatiques particulières dans certaines régions. Par exemple, j’ai mené des études en Afrique australe, où l’on a remarqué que les incendies augmentaient tous les 23 000 ans, ce qui correspond à des changements des paramètres astronomiques terrestres qui ont un effet sur les changements climatiques. On rend ainsi visible des paramètres, des mécanismes, que l’on ne soupçonnait pas !
Quel objet issu de votre quotidien représente pour vous le mieux le lien avec votre recherche ?
Je dirais mon ordinateur. Bien sûr, nous avons besoin de traiter beaucoup de données. Mais c’est surtout grâce à lui que je peux accéder aux publications de scientifiques du monde entier. Pour nos recherches, nous avons besoin de comparer nos résultats en regard de ce qui a déjà été fait et de confronter nos interprétations à celles déjà émises. Pour l’étude du feu, nous avons besoin de croiser des connaissances diverses du climat à l’écologie, qui peuvent influencer les incendies. Tout cela se fait pas à pas, mes interprétations pouvant évoluer au fil du temps à la lumière des autres connaissances produites en parallèle.
Quels sont les résultats, découvertes ou recherches qui vous ont le plus marqué ?
Une sécheresse marquée de plusieurs siècles dans une région n’implique pas forcément une augmentation des incendies. En Afrique australe, nous avons eu des résultats qui peuvent sembler paradoxaux. Nous nous sommes rendu compte que, sur des échelles de temps de plusieurs milliers d’années, il y avait plus d’incendies quand il faisait plus humide et qu’il y en avait moins quand il faisait sec. Cela serait dû au fait que quand il y a plus de précipitation, il y a plus de biomasse à brûler. De manière un peu similaire dans la péninsule Ibérique, quand on a une période sèche et que l’on passe d’une végétation méditerranéenne à semi-désertique, il y a moins d’incendies. Mais lorsqu’on a une forêt méditerranéenne fermée qui s’ouvre à cause de la sécheresse, les incendies augmentent. C’est un résultat très important pour les modèles de projection des feux utilisés aujourd’hui. Ces modélisations n’intègrent pas forcément l’impact du changement climatique sur les types de végétation, qui se révèlent très importants dans nos études. C’est donc un paramètre essentiel à prendre en compte si l’on veut faire des projections efficaces sur l’avenir !
Thomas Rouquette
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